Raymond Despiau le 21 juillet 1975 au sommet du Pic Chacaladni (3650 mètres - Caucase de l'Ouest) lors de la première de la face sud (500 m. ED, 100 pitons, 29 heures, 2 bivouacs)

Raymond Despiau nait en 1935 à Bagnères-de-Bigorre.

En 1956, ses études l’emmènent à Paris, et il débute l’escalade à Fontainebleau.

En 1957, il découvre la haute montagne dans les Alpes et réalise ses premières grandes voies (Aiguilles d’Argentières).

En 1958, il revient dans ses Pyrénées natales et y effectue ses premières grandes courses, notamment la redoutable face Sud du Tossal del Mallo dans la vallée d’Arrazas en Espagne.

En 1959, il est embauché à l’observatoire du Pic du Midi en qualité d’ingénieur en astronomie.

 

Les années suivantes il réalise des premières de grandes envergures:

1957 – Première de la face Est de la Grande Aiguille d’Ansabère
1959 – Première du Pilier Sud du Grand pic d’Ossau
1964 – Première hivernale du Couloir de Gaube (sortie par les Jumeaux) avec Patrice de Bellefon (20 janvier 1964)
1965 – Première d’une voie directe surplombante au Casque du Lhéris avec utilisation de pitons à compression pour progresser en artificiel dans les zones sans fissure
1966 – Première de la voie du grand toit (8 mètres d’avancée) dans la face nord du Pic Bazillac et première de l’éperon Nord de la Pique Longue au Vignemale, terminée le 23 septembre, suivie de son ascension intégrale l’année suivante.
1967 – Première du Spigolo de la Petite Aiguille d’Ansabère, qui fut l’aboutissement de l’utilisation des «golots» à compression utilisés en 1965/66. Voie devenue la grande classique bien connue mais rééquipée plus tard avec des pitons à expansion modernes par la nouvelle génération de grimpeurs.
1968 – Première hivernale du Mur de la Cascade à Gavarnie par la voie historique
1969 – Première d’une nouvelle voie à la Face Sud du Tozal Del Mallo et première au grand Mur Jaune de la face Nord de la Pique Longue (voie de 500 m, surplombante dans le haut avec deux longueurs dont la mauvaise qualité du rocher est extrême (voie baptisée Despiau / Luquet))
1972 – Première du Grand Dièdre Nord du Mont-Arrouy dans le cirque de Troumouse. La voie n’aurait pas été répétée à ce jour. 450 mètres. Itinéraire sévère, rocher très délicat mais solide à la sortie.
1973 – Première hivernale de la face Nord de la Tour du Marboré à Gavarnie
1974 – Première de la voie centrale de la Paroi du Lac à Barroude et première hivernale de la face nord du Petit Astazou
1975 – Troisième ascension intégrale de la voie Rabada – Navaro à l’éperon du Mallo Firé à Riglos et première à la face sud du Gallinero (voie Despiau – Battaïa)
1977 – Hivernale en solitaire de l’arête Passet au Marboré (enchaînement sans bivouac)
1978 – Première du Pilier Nord de la Grande Aiguille d’Ansabère et première de la voie «Marquises» dans la paroi de Catalogne à Montrebey (500m.ED)
1980 – Première de la face Ouest du pic Heid dans le cirque de Troumouse. 550 mètres, surplombants sur les 300 premiers mètres et première de la voie «l’existentialisme» dans la paroi d’Aragon à Montrebey (ED).

Raymond Despiau lors de la premiere ascension de la Paroi du lac à Barroude (1974)
Raymond Despiau lors de la première ascension de la Paroi du lac à Barroude (1974)

Raymond Despiau réalisera également de belles ascensions et quelques premières hors du massif, notamment dans les Alpes, mais aussi dans des massifs plus lointains:

1964 – Face ouest du Dru
1972 – Hoggar: Première ascension de la face Ouest de la Garet El Djenoun (voie ED inf) et première ascension de l’In-Akoulmoula par la face Ouest
1973 – Dolomites: Première du pilier Central de la Cima Canali (baptisé Salame Canali (ED inf )) et ascension du Dièdre Philipp-Flamm à la Civetta (voie restée longtemps mythique, ED sup)
1974 – Gorges du Verdon : Voie Guy Heran à la paroi rouge (ED sup)
1975 – Caucase : Première ascension de la face sud du Pic Chacaladni (3650m) ED, 450 mètres et troisième ascension de la voie Rougevski au Kirpich (3850m) ED inf, 750 mètres
1975 – Alpes Suisse: Face Nord de l’Eiger
1976 – Participation aux compétitions de varappe sportive (escalade de vitesse) en Géorgie. La compétition en escalade n’était pas encore entrée dans les mœurs en occident.
1978 – Himalaya : Expédition à l’Everest dirigé par Pierre Mazeaud
1979 – Dolomites: Face Nord de la Cima Grande par la voie Brandler. Elle était considérée à cette époque comme l’une des voies les plus difficile des Alpes au même titre, que le dièdre Philipp-Flamm à la Civetta. Cette même année 1979 dans les Dolomites, escalade de la voie Cassin à la Cima Ovest et voie Vinatzer à la Marmolada (2 grandes voies classiques ED inf.)
1981 – Éperon Walker à la face Nord des Grandes Jorasses
1981 – Terre de Baffin : Qoulitaliouq, première ascension de ce sommet (1300 mètres de dénivelé : couloir glaciaire, verrou rocheux, goulotte de glace de 400 mètres)
1982 – Himalaya : Expédition au Nanga-Parbat
1983 – Dolomites: Cima Grande, face Nord (Voie Comici)
1983 – Mali (aiguilles de Garmi) : Eperon du Kaga Tondo, voie exceptionnelle de 700 mètres dans une région sahélienne au climat rude et chaud.
1984 – Pic de Bure, dans le Dévoluy : Pilier Est (voie Desmaison) ED
1987 – Alpes: Face Nord-Est du Piz Badile (voie Cassin). Dénivelé de 1000 mètres. Voie cotée ED inf.


Raymond Despiau est décédé le 6 octobre 2013 aux Collegats d’une crise cardiaque alors qu’il pratiquait sa passion : l’escalade.

Première ascension de la voie centrale de la Paroi du Lac à la Pointe 3028 [1]

Le 22 juillet 1974, Pierre Viorrain et Jacques Athanase étaient mes compagnons de course dans la phase de préparation de l’ouverture de cette voie.

Pour l’accomplissement, la réalisation finale, Pierre Viorrain, à notre grand regret, n’a pas pu revenir avec nous.

22 juillet: Montée à la base de la paroi et progression jusqu’au cinquième relais (R5). J’équipe la moitié de la sixième longueur et nous bivouaquons à R5, Jacques et moi en hamac, Pierre sur une petite plate-forme.

23 juillet: Je termine l’équipement des deux longueurs suivantes jusqu’à un monolithe où j’installe un relais (R7) de 4 golots car il n’y a pas de fissure. Le rocher, un schiste, est très dur, le percement est lent et les mèches de mon tamponnoir s’usent rapidement. Ma réserve de golots est épuisée et nous devons redescendre l’après midi en laissant des cordes fixes pour pouvoir remonter au Jumar.

28 juillet: Nous remontons les cordes jusqu’à R7 et j’équipe les 2/3 de la huitième longueur. Je bivouaque en hamac, Pierre et Jacques sur plate-forme.

29 juillet: Je termine l’équipement de la huitième longueur et les deux tiers de la neuvième dans la zone des dalles jaunes dominées par le grand toit. Le lendemain, après un nouveau bivouac en hamac, je termine tôt le matin, la neuvième longueur. Le ciel s’est rempli de nuages dans la nuit, la température est montée et à 9 heures 30 un premier orage éclate, suivi de plusieurs d’intensité croissante. Le grand toit me protège de la pluie mais Pierre et Jacques sont plus exposés.

Cette face a une configuration particulière: la moitié inférieure est verticale et surplombante et la moitié supérieure, après le grand toit, est constituée de dalles qui peuvent alimenter en eau par temps de pluie le fond d’un couloir étroit où se développe alors un véritable torrent qui se transforme en cascade en se précipitant dans le vide au niveau du grand toit. La voie sort sur ces dalles à l’endroit où l’eau rebondit en cascade mais en est écartée avant et après. Je savais cela pour l’avoir observé du bas. Quoi qu’il en soit de la réalité du risque, je décide aujourd’hui d’arrêter la progression et je reviens à R8. A peine arrivé au bout de mon rappel, l’orage reprend avec une grande violence et les averses sont abondantes et froides. Les cascades apparaissent. Moins protégés que moi, mes compagnons sont complètement trempés et tremblent d’un début d’hypothermie. Une heure plus tard la pluie se calme un peu et en un rappel de 80 mètres nous redescendons sur le relais R3 puis jusqu’au névé à la base de la paroi. Arrivés au refuge, un nouvel orage tout aussi impressionnant que le dernier nous conforte dans l’idée que nous avons pris la bonne décision en ne restant pas là-haut.

6 août: Remontée du «libre» et des cordes en place avec Jacques jusqu’au relais supérieur sous le toit. En début d’après-midi je reprends la progression en contournant par la droite la partie la plus prononcée et la plus compacte des surplombs. Il est déjà tard quand, d’un relais en bout de corde, dans le dernier surplomb, je peux faire monter Jacques pour récupérer le matériel et nous bivouaquerons là, assis sur nos planchettes. Cette dernière nuit est agréable en dépit de l’inconfort de notre position. Le ciel est splendide et le beau temps assuré pour demain.

7 août : Réveil à 6 heures. A 7 heures j’ai passé le dernier surplomb et au relais je découvre une magnifique plate-forme horizontale d’au moins 4 mètres carrés ! Si je l’avais su, j’aurais peut-être tenté de l’atteindre de nuit.

La partie supérieure n’est plus qu’une montée en escalade libre où la difficulté ne dépasse pas le IV et ne nécessite pas de matériel pour la progression.

La descente se fait sur le Port de Barroude en passant par le sommet du Pic de Troumouse.

Raymond DESPIAU – 2007

[1]  Raymond Despiau avait rédigé ce récit spécialement pour mon mémoire d’accompagnateur en montagne