Tour de France 1910

Le Tour découvre les Pyrénées

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Tour de France 1910

Le Tour découvre les Pyrénées

Au début de l’année 1910, Alphonse Steines, collaborateur proche d’Henri Desgrange au journal L’Auto, propose une idée audacieuse pour redonner de l’intensité au Tour de France : faire entrer les Pyrénées dans le parcours. Le Ballon d’Alsace, escaladé pour la première fois en 1905, ne suffit plus à faire trembler les coureurs. Steines veut envoyer le peloton à l’assaut de géants bien plus redoutables.

« Steines, vous devenez fou ! » s’exclame Desgrange. Mais l’idée fait son chemin. Le projet est validé, l’itinéraire est tracé. Il ne reste qu’à vérifier que ces routes sont… praticables.

Quelques jours plus tard, Steines part en reconnaissance. En Béarn, il promet au responsable des Ponts et Chaussées de Pau une aide financière pour la remise en état de la route du col d’Aubisque, alors en très mauvais état.

Le 24 juin 1910, à seulement neuf jours du départ du Tour, Desgrange envoie Steines inspecter personnellement l’état des routes pyrénéennes. Le 28 juin, parti de Sainte-Marie-de-Campan, Steines entreprend en automobile la montée du col du Tourmalet. Mais à la tombée de la nuit, une tempête de neige bloque l’avancée à 4 km du sommet. Son chauffeur refuse de continuer. Déterminé, Steines poursuit seul, à pied, dans des conditions extrêmes. Il franchit le sommet avec difficulté, dévale l’autre versant et atteint Barèges à trois heures du matin.

Le lendemain, il envoie un télégramme laconique à Desgrange : « Passé Tourmalet. Très bonne route. Parfaitement praticable. Steines. »

Ce message, à la fois héroïque et mensonger, scelle le sort des Pyrénées dans le Tour.

Face à la difficulté annoncée, de nombreux coureurs renoncent. Seuls 110 coureurs prennent le départ du Tour 1910, contre 150 l’année précédente.

Le 19 juillet 1910, le Tour entre dans l’histoire. Lors de l’étape Perpignan — Luchon (289 km), le peloton franchit pour la première fois les cols pyrénéens : col de Port, Portet-d’Aspet et col des Ares. Contre toute attente, seuls quatre coureurs abandonnent.

C’est Octave Lapize qui triomphe à Luchon, au terme d’une étape dantesque.

Le 21 juillet 1910, l’étape Luchon–Bayonne (325 km) fait définitivement entrer les Pyrénées dans la légende du Tour de France.
Le départ est donné à 3 h 30 du matin, pour une journée dantesque à travers quatre cols désormais mythiques : Peyresourde, Aspin, Tourmalet et Aubisque.

Octave Lapize, considéré comme le meilleur grimpeur du peloton, s’élance avec 15 points de retard sur François Faber, leader du classement général (le Tour se disputait alors aux points et non au temps). Cette étape, particulièrement exigeante, va rebattre les cartes et consacrer Lapize comme le premier roi des montagnes du Tour.

Octave Lapize à pied dans le Tourmalet

Dès les premières pentes, Octave Lapize s’échappe et passe en tête aux cols de Peyresourde et d’Aspin. Gustave Garrigou, alors quatrième du classement général, le rejoint dans la montée du Tourmalet. La pente est si raide que Lapize est contraint de mettre pied à terre, alternant marche à pied et reprises à vélo. Garrigou, lui, parvient à grimper l’intégralité du col sans poser le pied à terre, exploit salué par une prime spéciale de 100 francs. Malgré tout, Lapize bascule en tête dans la descente.

L’étape semble promise à l’un des deux hommes, lorsque surgit un inconnu, François Lafourcade, un coureur sans équipe, originaire de Bayonne. Il rattrape puis dépasse Lapize et Garrigou dans la montée de l’Aubisque. Épuisé, Lapize termine l’ascension à pied, plus d’un quart d’heure après Lafourcade. Au sommet, fou de rage, il lance aux organisateurs :
« Vous êtes des assassins. Oui, des assassins ! »

Garrigou, quant à lui, est largement distancé. À Eaux-Bonnes, Lapize, toujours furieux, profère de nouvelles menaces, allant jusqu’à évoquer l’abandon. Il accuse alors 16 minutes de retard sur Lafourcade. Mais il revient progressivement, en compagnie de l’Italien Albini, tandis que Faber, victime de sa cinquième crevaison, perd encore du terrain à une quinzaine de kilomètres de l’arrivée.

À Bayonne, après 14 heures d’efforts inhumains, Lapize remporte l’étape au sprint devant Albini. Faber arrive un quart d’heure plus tard, suivi de Trousselier et Lafourcade. Garrigou, huitième, accuse près d’une heure de retard. Les derniers concurrents franchissent la ligne en pleine nuit : seuls 46 coureurs terminent l’étape. Les dix premiers seulement sont dans les délais, mais aucune disqualification n’est prononcée, même pour ceux arrivés en voiture.
Sur la ligne d’arrivée, Lapize confirme sa colère en répétant : « Desgrange est bien un assassin ! »

Le dernier classé, Georges Cauvry, atteint Bayonne 22 heures après le départ de Luchon.

Octave Lapize remportera finalement ce huitième Tour de France, devant le Luxembourgeois François Faber et le Français Gustave Garrigou.

Bibliographie

chappées belles sur le Tour de France dans les Pyrénées

Christian Laborde

Échappées belles sur le Tour de France dans les Pyrénées

Enfin, un livre de photos consacré au Tour de France dans les Pyrénées ! Marie-Blanque, Aubisque, Soulor, Tourmalet, Aspin, Peyresourde…, des lieux, des noms de cols connus par tous les amoureux du vélo de France et d’ailleurs, tous sont liés aux exploits des cyclistes de la Grande Boucle. Chaque année en juillet, qu’il fasse grand soleil, qu’il pleuve ou qu’un brouillard tenace enveloppe la montagne, ils sont des centaines de milliers de passionnés ou de simples curieux à passer une journée en plein air, à attendre des heures durant le passage du Tour de France. Après la caravane, place aux héros de légende… place aux Géants du Tour de France !

Pierre Carrey

Légendes du Tour de France
100 ans de Pyrénées

1910-2010 : cent ans d’exploits, de bonheurs ou de drames. Pendant un siècle, les forçats de la route ont fait des Pyrénées un haut lieu du Tour de France, un magnifique terrain de jeu où les plus grands ont forgé leur légende. Le premier fut Octave Lapize, le vainqueur de la toute première étape.
Passionné de cyclisme, Pyrénéen, le journaliste Pierre Carrey a enquêté pendant près de deux ans pour nous raconter la véritable histoire du Tour sur les pentes du Tourmalet, de l’Aubisque ou de l’Aspin. Il a consulté 2 500 articles et interviewé coureurs ou descendants de champions pour rétablir certaines vérités et nous dévoiler des anecdotes incroyables et inédites.
Année par année, il nous narre une histoire originale, tantôt drôle, tantôt dramatique. Lapize, Fontan, Vietto, Bartali, Anquetil, Merckx, Thévenet, Ocana, Hinault, Jalabert et de nombreux oubliés de la Grande Boucle sont montrés sous un jour nouveau. Pour éclairer ses propos, l’auteur nous présente également les classements de toutes les étapes pyrénéennes avec le nom de tous les champions qui sont passés au sommet de chaque col.

Légendes du Tour de France 100 ans de Pyrénées
Le tour de France et les Pyrénées

Dominique Kérébel

Le tour de France et les Pyrénées

Créé en 1903, sous la forme de grandes courses à étapes, le Tour de France va prendre une nouvelle dimension sept ans plus tard : Alphonse Steines, journaliste et âme damnée d’Henri Desgrange, décide de durcir l’épreuve en lui faisant prendre de l’altitude. En 1910, le Tour se heurte aux routes des Pyrénées, qui ne sont alors que des sentiers à vaches que les coureurs appellent  » le cercle de la mort « . Et c’est ainsi que depuis un siècle, la Grande Boucle, devenue l’incontournable rendez-vous de juillet, fait d’exploits et de larmes, franchit, dans un sens comme dans l’autre, le Tourmalet, l’Aubisque, Aspin ou Peyresourde, dans un premier temps, puis Portet d’Aspet, Luz-Ardiden, Pla d’adet… ou encore les cols du pays basque. Cols mythiques qui sont devenus des lieux de légendes et de tragédies. D’Octave Lapize, le vainqueur de l’édition 1910, jusqu’au dernier lauréat, A. Contador, l’auteur retrace, aux travers d’anecdotes et de témoignages, l’épopée des forçats de la route, magnifiquement illustrée par de nombreuses photos, inédites pour la plupart.

L’histoire officielle du Tour de France

L’Histoire officielle du Tour de France raconte l’épopée centenaire du Tour, de la première course sensationnelle de 1903 jusqu’à nos jours, en passant par l’âge d’or des grands champions. Richement illustré de centaines de photographies
autour des grands moments et des coureurs emblématiques, ce récit nous emmène sur les traces de La Grande Boucle et ses 21 étapes.
Revivez les réussites épiques des légendes du Tour, d’Eddy Merckx, Bernard Hinault et Miguel Indurain à Chris Froome, Mark Cavendish et aujourd’hui Jonas Vingegaard ou Julian Alaphilippe. Aux côtés des meilleurs cyclistes de la planète,
plongez dans le sillage des équipes mythiques du Tour, confrontées aux étapes contre-la-montre, en ligne ou de montagne (Alpes et Pyrénées) jusqu’aux Champs-Élysées.
Entre traditions et innovations, (re)découvrez les évolutions de l’une des épreuves sportives les plus suivies au monde. Les documents d’archives, maillots, anecdotes historiques ou encore résultats et statistiques détaillés de chaque année du Tour, ici rassemblés, raviront tous les fans de cyclisme.

L'histoire officielle du Tour de France - Nouvelle édition spéciale 120 ans