Louis Robach

Louis Robach

Louis Robach naît à Besançon, le 04 septembre 1871. Il est d’origine polonaise de par son père .

Doté d’une excellente mémoire il se révèle être un bon écolier, curieux de tout, passionné de sciences et de chiffres. A 9 ans, il compte toutes sortes de choses: recettes et dépenses, fruits mangés, kilomètres parcourus… Il conservera cette manie toute sa vie ! 25574 extractions dentaires dénombrés au cours de sa carrière de dentiste !
En 1883, il est reçu premier sur 223 élèves au certificat d’études.

En août 1885, sa scolarité terminée, son père l’emploie comme apprenti coupeur et homme à tout faire dans son atelier de chemiserie. Il s’ennuie de cette situation et pour tuer le temps il commence une collection de timbres qu’il poursuivra toute sa vie.

Dès septembre 1889, il demande à son père l’autorisation de s’engager dans l’armée, ce que ce dernier refuse catégoriquement.
Il attend ses 20 ans pour réaliser ce souhait et en octobre 1891, il part pour 3 ans dans l’armée. Il y devient végétarien et buveur d’eau. Il quitte l’armée le 24 septembre 1894 guère enchanté de cette expérience.

De 1894 à 1897, il part à Paris pour des études de dentiste. Les examens qu’il réussit brillamment le consacrent premier de l’école dentaire.

Il quitte alors la capitale pour Marseille où il trouve son premier emploi.
Il commence à faire des sorties avec le groupe des excursionnistes Marseillais et le 19 décembre 1897, il gravit son premier sommet: le pic de Bretagne.

Il est également membre des clubs Alpins Français et Suisse.

En octobre 1898, il part dans le Gers, à Condom où habite sa fiancée. Il ouvre sa propre affaire et se marie. La famille s’agrandit avec James et William puis Suzanne et Christiane (Mortes à 2 et 15 ans).

Sa première excursion pyrénéenne est l’ascension du pic du Midi.

Le 25 sept 1899, il part de Condom à bicyclette pour rejoindre Bagnères de Bigorre. Le lendemain, il part à 5 h à pied, gagne le sommet et redescend à Bagnéres avant de rentrer le lendemain chez lui.

Louis Robach en 1900

Le 24 août 1900, il fait son premier Mont-Perdu: « Je comprends l’extase de Ramond en face d’un tel tableau; sous le soleil du matin, les glaciers sont éblouissants et les sommets détachent leurs silhouettes blanches ou noires sur le ciel azuré; Je n’ai encore rien vu d’aussi beau ! «  Il montera 43 fois au sommet ! La dernière à 77 ans le 01 sept 1948.

Passionné de photographie, il fabrique lui même son appareil ! Deux kilos, plus le pied, plus deux à trois kilos de plaques qu’il emmènera dans toute ses virées montagnardes ! Il constituera une collection de 8000 clichés.
Amateur d’astronomie, il se spécialiste dans les photos de nuit, au clair de lune. Plus tard, il réalisera les premières photographies de Mercure et découvrira que la lune est aplatie aux pôles. Ces découvertes lui vaudront en 1905 d’être admis à la société astronomique de France.

Lors de sa première campagne dans les Alpes en 1902, il gravit seul le Mont-Blanc. Il rééditera 5 fois cette ascension. Ses ascensions alpines ne se limiteront pas qu’à cette montagne; il rajoutera à son tableau de courses en 1903 le Cervin et le Mont-Rose, en 1907 le Pelvoux et le Breithorn, en 1908 la Barre des Écrins, en 1910 le Weisshorn …

Louis Robach Traversée du lac de Gaube en 1903

 Dès 1902, il parcourt la montagne en hiver. En 1903, ayant appris l’existence des skis, il en commande deux paires. Il les reçoit le 26 décembre et dès le 30 au matin, il part pour Cauterets avec Cintrat et un ami de Toulouse: Aubry. Ils effectuent ainsi la première excursion hivernale à skis dans la région de Cauterets: ils montent au lac de Gaube, où ils passent trois jours dans la remise de l’auberge.

La premiére ascension de l'Aneto en skis

Le 04 avril 1904, avec Aubry, Falisse, Maurice Heid et le docteur Basset de Toulouse, ils partent de Luchon à 2 heures du matin. 12 heures plus tard, ils arrivent skis aux pieds au port de Venasque, puis à l’auberge de Cabellud où ils passent la nuit.
Le lendemain, c’est le départ au clair de lune. Le docteur Basset ne part pas et le 05 avril 1904 à 10 heures, Robach, Aubry, Falisse et Heid sont les premiers skieurs à atteindre le sommet de l’Aneto.

Louis Robach Ascension en skis de l'Aneto en 1904

Le Balaïtous le hante et lui résiste ! Après 10 tentatives, il foule enfin son sommet le 26 juin 1905.

En 1905, il participe aux premières tentatives d’ascension à skis du Mont-Perdu; d’abord par Tuquerouye puis par la brèche de Roland. Finalement il réussira cette première le 06 juin 1906 avec Louis Falisse, Ludovic Gaurier et Porter.

Le 24 juin 1906, il s’octroie la première de la Frondella Occidentale (3006 m), un des derniers 3000 vierges. Depuis, l’arête Ouest de ce sommet porte son nom.

Lire le récit de cette ascension

Louis Robach à l'Aconcagua en 1929

Il part pour Montréjeau fin 1920.
Il a la passion des voyages. Après l’Égypte, il visite l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Sud à plusieurs reprises. Il se met à rêver à la possibilité de monter à 6000 mètres d’altitude. Sa première tentative date de février 1929. Il échoue à l’altitude de 5800 m sur les flancs de l’Aconcagua.

Le 07 juin 1933, à 62 ans, il reçoit de Louis le Bondidier la médaille d’or du CAF. Le 28 décembre 1946, il est admis par Raymond d’Espouy dans le groupe des jeunes de Jean Arlaud en qualité de membre d’honneur.

Le 24 mars 1950, lors d’un autre voyage en Amérique du Sud, il réussit l’ascension du Chacaltaya (5410 m). Enfin, à 83 ans (1954) il monte au pico Meys (5326 m).
Infatigable, en 1955 son dernier voyage le conduit en Amérique du Nord, pour voir le Grand canyon.

Ses multiples passions lui auront permis de tenir plus de 80 conférences sur des sujets divers: montagne, voyages, ski, astronomie…

Après 59 années de courses en montagne effectuées avec prés de 300 compagnons, il meurt le 08 mars 1959 à Montréjeau à l’âge de 88 ans.

Le 12 août 1962, ses amis lui rendent hommage en scellant à Tuquerouye une plaque en bronze rappelant ses 43 ascensions du Mont-Perdu.

Louis Robach, Mathieu Haurine et Henry Russell
Louis Robach au Pic du Midi d'Ossau en 1904
Louis Robach au Mont-Perdu

Louis ROBACH (1871-1959) par Robert Ollivier

Lequel d’entre nous n’a pas lu, de temps en temps, cette revue américaine qui s’appelle « Sélection du Reader’s Digest » ? Dans chaque numéro, ou peu s’en faut, nos psychologues d’U.S.A. prétendent nous présenter, chaque mois, un véritable surhomme. Eh bien, amis pyrénéistes, ces surhommes-là, vous les trouverez bien pâles auprès d’un des vôtres, qui vient de s’éteindre à 88 ans, avec cette simplicité, cette facilité, cette discrétion qui furent les qualités de sa vie entière, et qui resteront, toujours, la marque des champions de l’humanité.

Avant de faire, bien tardivement, sa connaissance, je, n’avais jamais pu séparer le nom de Louis Robach du portrait truculent, plein d’humour et, pour tout dire, pétaradant d’esprit comme un feu d’artifice, que Le Bondidier avait tracé de lui, un certain soir de 1933, au cours d’un banquet fêtant le trentenaire de la Section de Tarbes du C.A.F. Le Seigneur du Château-Fort de Lourdes remettait, ce soir-là, la médaille d’or du Club Alpin à cinq pyrénéistes chevronnés : le Docteur Dupin, MM. Camboué, Lataste, Ledormeur et Robach.
Et, de même que je n’ai jamais pu séparer Robach de son portrait par Le Bondidier, je ne peux absolument pas résister à l’envie de citer tout entier ce discours, tant je me sens bien incapable d’en écrire un semblable.

Et pour finir, voici Robach, l’homme des records.
Recordman de l’âge. Il est le Benjamin de ces cinq nouveaux promus qui représentent gaillardement d’ailleurs et en pleine santé de corps et d’esprit, 360 printemps au total et 72 de moyenne.
Recordman de l’altitude pour cette promotion. Il a dépassé à l’Aconcagua 5,800 mètres. Il est monté six fois au Mont Blanc, trois fois au Mont Rose, au Cervin, à la Barre des Ecrins, au Pelvoux, au Weisshorn, au Breithorn, au Stockhorn et à bien d’autres sommets dépassant les 3404 mètres de notre Nethou.

Recordman du tourisme à bon marché. Végétarien, il se borne comme nourriture en montagne au sucre, et dans la plaine, au pain et aux fruits.
Comme gîte en voyage, il considère que les banquettes des salles d’attente de chemins de fer quand il pleut et les bancs des promenades publiques quand il fait beau, ne sont pas édifiés pour les chiens. Ces principes admis et le régime adopté, l’ascension du Mont-Blanc revient à dix-neuf sous d’avant-guerre (une livre de pain et soixante-dix morceaux de sucre), le Cervin à 2 fr. 60; le Mont Rose à 4 fr. 25; une randonnée en Italie (chemin de fer non compris), à 9 fr. 65; une autre aux cataractes du Nil à 14 fr. 60 (pain, concombres, 260 oranges et dix mètres, de canne à sucre). Les chameaux du pays de Tout-an-Kamon ont dû en être eux-mêmes épatés et, sur ce chapitre de la sobriété, s’avouer vaincus.

Recordman des grands voyages. Comme je viens de le dire, il a regardé sous le nez le Sphinx d’Egypte et vu le Vésuve fumer au-dessus du golfe napolitain; il s’est promené sur les quais de la Tamise et sur ceux de Hambourg; il a vu danser à Biskra les Ouled-Naïls, ces petites prostituées plus pudiques en leur tenue que beaucoup de nos dames patronnesses; il a traversé l’Amérique sans souffrir du régime sec; il a observé au Canada une éclipse totale de soleil qui a ravi son cœur d’astronome passionné; il a lu son journal à la lumière du soleil de minuit, franchi les Andes, parcouru le Brésil, le Chili, la Grèce et la Norvège. La dernière carte qu’il m’adressa était timbrée de Constantinople et je crois que sous peu il part pour Léningrad où les restrictions alimentaires n’auront pas prise sur lui.

Recordman du Mont-Perdu avec 33 ascensions et une suite probable la prochain saison.

Recordman des clichés photographiques; plus de 7.000 dont certains pris au clair de lune avec quinze degrés sous zéro et des temps de pose de plusieurs heures.

Recordman de l’accident avec une dizaine d’anicroches dont une seule suffirait à tuer un moins résistant. En 1904, monté au Nethou à skis – car il a été un des précurseurs du ski – il attrape une entorse en descendant au Col Coroné. Que ceux qui connaissent le terrain imaginent ce qu’a pu être cette descente jusqu’au plan des Etangs, la remontée au port de Venasque, la descente à l’hospice de France à skis avec un pied immobilisé. Dix-huit heures d’effort, à genoux, à quatre, pattes, à cloche pied, assis, et le retour, à Luchon avec deux orteils gelés. Ce qui ne l’empêchera pas de se croire très prudent et de déclarer qu’il n’a jamais rien tenté de dangereux en raison de sa « responsabilité morale » vis-à-vis de sa famille.

Enfin, dernier record, l’ambition. Car cet homme si modeste d’aspect, de parole et de tempérament, est plus ambitieux que n’importe lequel d’entre vous. Il rêve, en effet, de monter au-dessus de 6000 mètres et de faire le tour du monde…
C’est ce qu’en votre nom je lui souhaite, en vous proposant, en son honneur, un ban.

 

J’entends encore les applaudissements et les cris d’enthousiasme. Je vois l’auteur de ce portrait sensationnel épingler la médaille sur la poitrine d’un homme grand, mince, droit, extraordinairement jeune et vigoureux et qui, pourtant, d’après l’Etat Civil, a 62 ans. Vingt-six années ont passé depuis. Mon enthousiasme n’a pas faibli. Et je ne me doutais guère, ce soir-là, que je serais l’un des derniers correspondants, l’un des derniers confidents de cet être extraordinaire dans le vrai sens du mot. Par hasard, à propos de livres — de montagne, bien entendu — nous échangeâmes deux lettres. D’autres suivirent, accompagnées de photos. « Puisque, vous voulez bien vous intéresser à mes fantaisies, écrivait-il, j’éprouve le besoin, comme les vieux, de revivre mon passé, et je viens vous faire part de quelques-unes de mes excentricités. » En quelques pages, avec quelques dizaines de photos, il résuma, il illustra toute sa vie. Ce fut pour moi la revue à grand spectacle, à multiples tableaux qui déroula sous mes yeux une vie ahurissante d’homme libre, indépendant — ô combien ! aventureux, curieux, d’une curiosité passionnée, qui le poussa dans tous les coins du globe, sous toutes les latitudes. Il se rendit dans tous les lieux du monde où la nature avait mis en scène ses spectacles les plus prestigieux, partout où l’Histoire avait gravé ses événements les plus mémorables. Avec sa lunette astronomique, il scruta les profondeurs du ciel et observa avec passion les phénomènes de l’infini sidéral. Et ce grand voyageur, ce passionné de toutes les connaissances humaines fut un père de famille modèle, qui éleva sept enfants, en fit de vrais hommes, de vraies femmes, tout en apportant dans son métier une conscience professionnelle d’une rare qualité. Comment un seul homme a-t-il pu vivre de façon si diverse, sans que la fortune, à sa naissance, lui apportât cette indépendance qu’il gagna avec une énergie farouche ? Comment a-t-il pu remplir sa vie jusqu’aux dernières années sans faiblir : il avait 85 ans quand il alla voir, tout seul, comme d’habitude, le Grand Canyon du Colorado, d’où il m’envoya deux cartes postales ? Ce furent les dernières. Peu après, une chute, une hémorragie l’affaiblirent. La lettre qui, en mars 1959, me fut envoyée de Montréjeau, était bordée de noir.

J’éprouvai un choc, et aussitôt, un remords : je ne lui avais rendu visite qu’une fois. Il est vrai qu’il voyageait beaucoup – à 84 ans – et moi aussi – 40 ans de moins – mais pas si loin. Comme je l’envie, et de quels programmes ne me fait-il pas rêver ?
Je n’oublierai jamais cette journée, le charmant accueil de Madame Robach et de son mari, et cette impression inoubliable de converser non pas avec des personnes dites âgées, mais avec des camarades, comme tous ceux que je fréquente et qui ont, en moyenne, dix ans de moins que moi, des camarades sportifs, dynamiques, ne rêvant que découvertes; des camarades remarquablement intelligents, dont la mémoire fidèle n’avait rien perdu de l’expérience d’une longue vie.
Par courtoisie, ces végétariens convaincus me servirent de la viande et en mangèrent eux-mêmes, tout en me déclarant que cette substance ne servait vraiment à rien. Devant le résultat de ce régime, illustré par la jeunesse étonnante de mes hôtes, j’avoue que je restai songeur et que je me promis d’étudier sérieusement la question.

Toute la vie de Robach, d’ailleurs, est une leçon. La place me manque pour la dégager comme je le voudrais et pour citer, même en me contentant des principaux, les aspects pittoresques de cette vie extrêmement originale. Je vais tout de même essayer d’en retracer quelques-uns.

Nous avons laissé Le Bondidier, Seigneur du Château-Fort de Lourdes, ouvrir le ban en l’honneur de Robach, un soir d’été 1933, après avoir annoncé que cet homme modeste était plein d’ambitions et qu’il voulait notamment monter à 6.000 mètres et faire le tour du monde. Il restait à Robach 26 ans pour exécuter ce programme. Il avait alors 62 ans; à cet âge, la plupart des hommes réduisent considérablement leurs activités et, les pieds dans les pantoufles, le derrière sur un coussin, souvent le petit verre à la main, ne goûtent plus guère que les plaisirs de la table ou, pour les meilleurs, ceux de l’esprit. Robach, lui, ne changea rien à ses habitudes. Mieux : il élargit son champ d’action.
D’abord le nombre d’ascensions au Mont-Perdu passe de 33 à 43.
En 1935, il va, avec un altimètre de précision, s’assurer que la Mer Morte est bien à 395 mètres au-dessous du niveau de la Méditerranée et constater que les gens n’y flottent pas comme des bouchons… Puis il se rend au Jourdain, à l’endroit présumé du baptême de Jésus-Christ et y puise l’eau qui devait servir au baptême de, deux de ses filles et à celui de ses petits-enfants : « Il en reste pour les prochains », écrit-il ! Un peu plus loin, il alla voir la Jéricho de l’histoire et rapporta une brique des fameuses murailles qui tombèrent au son des trompettes en l’an 1501 avant Jésus-Christ…
Il avait autrefois expédié ses fils aînés en Argentine, dans l’hôtellerie. Ils y avaient fait fortune. Cela leur permit d’offrir à leur papa des voyages, « et quels voyages! », écrit-il. En 1948, il visite la Terre de Feu; il est empoisonné, ce qui lui laisse des troubles d’équilibre. Mais, dit-il, « on marche quand même ». En 1950, il va en Bolivie et gravit le Chacaltaya (5.420 mètres). Il a 79 ans. En 1954 (83 ans), il renouvelle sa tentative à l’Aconcagua, mais il y essuie un nouvel échec : « Mauvais temps, écrit-il, et je n’avais les guides et les mulets que pour trois jours. Je voulus alors m’offrir une fantaisie unique. Au Pérou, je suis allé jusqu’à Cerro de Pasco, une ville située à 4.355 m. d’altitude, au terminus de la ligne de l’Amazone et je comptais continuer à pied jusqu’au plus gros fleuve de la terre (on fait des bêtises à tout âge). Hélas ! j’en étais à plus de 100 kilomètres à travers le désert, entre 4.500 et 5.000 mètres, et seul ! Pour atténuer mon regret, j’ai pensé que je n’avais pas encore vu l’Himalaya et que ce serait beaucoup plus intéressant. » Pour finir de se consoler, il s’en va, accompagné d’un ouvrier d’une mine de cuivre voisine, gravir le Pic Meya, 5.325 mètres. « Aucune, difficulté, mais je me suis aperçu, tout de même que je ne suis plus jeune ! »
L’année suivante, il m’écrit : « A 84 ans, la date du dernier grand voyage ne doit plus être très éloignée; il faut que je me hâte. » Et il alla voir le grand Canyon du Colorado.

Rappelons, pour les pyrénéistes, qu’il fit la première ascension du Néthou à skis en avril 1904 et, en 1905, celle du Mont-Perdu. Il passa 120 heures en hiver, dans la tempête, à l’Abri Laurier, en compagnie d’Arlaud et de plusieurs compagnons; comme Russell, il passa, une nuit au sommet du Mont-Perdu et parcourut les Pyrénées dans tous les sens, sur les deux versants, à toutes époques de l’année et à tous les âges.
Il n’eut pas, comme Russell, l’aisance qui donne la liberté dès la naissance. Chirurgien-dentiste, il travailla 16 heures par jour, pendant des années, pour vivre, faire vivre sa famille, élever ses enfants et gagner durement sa liberté. Quand il se jugea assez riche, il ferma son cabinet, et devint ce qu’il voulait être et que ses étranges cartes de visite illustrent bien:

Louis ROBACH
Astronome photographe alpiniste
et à l’occasion
Chirurgien-dentiste
In Nubeculis
Pied à terre à Montréjeau
(Haute-Garonne)

Il méprisait au plus haut point le confort et la gourmandise; il ne pensait qu’à satisfaire sa soif inextinguible de curiosité; par son moral et sa sobriété, il se forgea un corps d’acier; il fut un vrai champion du non-conformisme. Aussi honnête et franc que son corps était droit, le cœur aussi tendre que sa volonté était dure, il fut bon père, bon époux, bon camarade et fidèle ami. Sa vie tout entière est une illustration de la victoire de l’esprit sur la matière.

Je jette un dernier regard sur quelques-unes de ses photos, avant de les ranger avec mes souvenirs les plus précieux : chutes du Niagara et du Zambèze, face sud du Tozal del Mallo, le Capéran de Sesques avec, au sommet, le docteur Marsoo, Bourdieu, Mouthé et Cardebat en 1926, Falisse à ski au sommet du Mont-Perdu, le sommet du Mont-Blanc, celui du Weisshorn, le front du glacier Magdalena au Spitzberg, la grande cloche cassée du Kremlin, les passes de Darial au Caucase, un des colosses Memnon en Egypte, le désert vu de la Grande Pyramide, les plages de sable blanc du Cap de Bonne-Espérance…

ROBERT OLLIVIER.
Pyrénées n° 38 (Bulletin Pyrénéen n° 281), 1959