L’histoire des refuges des Pyrénées
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L’histoire des refuges des Pyrénées
Dès la seconde moitié du XIX siècle, l’engouement pour le Pyrénéisme et les randonnées en montagne, donna l’idée au CAF d’édifier en haute montagne des abris, pour permettre un hébergement pour les longues courses.
Les premiers abris
En 1877, Henry Russell, figure emblématique du pyrénéisme, réalise avec l’aide du Club Alpin Français (CAF) un premier abri de montagne à vocation touristique au pied du Cylindre du Marboré. Il s’agit d’une simple murette adossée au rocher, offrant une protection minimale contre les éléments.
Toutefois, Russell nourrit une profonde aversion pour les constructions en haute montagne, considérant qu’« il n’y a rien de plus laid, de plus hideux, de plus repoussant qu’une maison au milieu des chaos éternels et sublimes des montagnes. » Désireux de pouvoir passer davantage de nuits en altitude sans altérer la beauté sauvage des sommets, il imagine alors une alternative plus discrète et mieux intégrée à l’environnement : les grottes creusées dans la roche.
De 1881 à 1893, il fait ainsi aménager sept grottes dans le massif du Vignemale. La première, baptisée Villa Russell, est achevée le 1ᵉʳ août 1882. Située à 3 205 mètres d’altitude, au col de Cerbillona, elle mesure trois mètres de long, 2,5 mètres de large et deux mètres de haut. En 1885, il fait creuser la grotte des Guides, suivie en 1886 par la grotte des Dames, destinée à accueillir les rares femmes pyrénéistes de l’époque. En 1888, il fait aménager les trois grottes Bellevue. Enfin, en 1892, il fait creuser la dernière et la plus symbolique : la grotte du Paradis, située quelques mètres sous le sommet du Vignemale, où il rêvait de finir ses jours.
Dès 1906, Ludovic Gaurier exploite une grotte naturelle située sur le versant sud de la Brèche de Roland comme abri lors de ses courses dans le massif. Ce refuge sommaire offre une protection contre les intempéries aux pionniers du pyrénéisme. Conscients de son potentiel, les membres de la section du Club Alpin Français (CAF) du Sud-Ouest financent, en septembre 1911, des travaux d’aménagement visant à améliorer l’accueil des montagnards : l’espace est agrandi et un mur est construit pour renforcer la structure et mieux isoler les occupants du vent et du froid.
Bien avant cela, en 1886, cette même section du CAF avait innové en érigeant le premier refuge construit sous un rocher à Arrémoulit, dans la haute vallée d’Ossau. Ce type d’abri, rudimentaire, mais ingénieux, s’inspirait des cabanes de bergers et des bivouacs naturels utilisés depuis des siècles dans les Pyrénées. Toutefois, les conditions climatiques extrêmes, l’humidité constante et l’action répétée du gel et du dégel eurent rapidement raison de ces premiers refuges, qui ne purent résister à l’épreuve du temps.
Ces initiatives témoignent des balbutiements de l’aménagement de la haute montagne pyrénéenne et de la volonté des pyrénéistes de structurer progressivement un réseau d’abris pour sécuriser leurs explorations.
Le refuge de type ogival
Léonce Lourde-Rocheblave révolutionne alors l’architecture des refuges de montagne en inventant un nouveau type d’abri en dur : le refuge de type ogival. Ces refuges, entièrement construits en pierres prélevées sur place afin de limiter les transports de matériaux, sont assemblés avec du ciment et de la chaux. Leur toit en forme d’ogive, inspiré des voûtes gothiques, permet de mieux résister aux fortes charges de neige et aux intempéries, résolvant ainsi le problème de la couverture.
Plusieurs refuges de ce type verront le jour, marquant les débuts d’un réseau structuré d’abris en haute montagne :
– Le refuge de Tuquerouye (2660 mètres) construit en 1889 est le premier refuge bâti dans les Pyrénées. Situé sur une étroite brèche dominant le lac glacé de Marboré, il offre un abri sommaire, mais stratégique pour les alpinistes souhaitant accéder au Mont Perdu.
– Le refuge Packe édifié en 1895 au col du Rabiet, doit son nom à Charles Packe, pyrénéiste britannique passionné qui joua un rôle clé dans l’exploration du massif.
– Le refuge de Bayssellance construit en 1899 à 2 651 mètres d’altitude, détient toujours le titre du refuge gardé le plus haut des Pyrénées. Implanté sur les flancs du Vignemale, il constitue un point de passage incontournable pour les ascensions du plus haut sommet français des Pyrénées.
– Le refuge Ull de Ter, inauguré en 1909 en Catalogne, s’inscrit dans le développement du pyrénéisme en territoire espagnol et sert de base aux excursions dans le massif du Canigó et des Pics de la Vaca.
– Le refuge Ledormeur construit en 1926 au Pla de Labassa, rend hommage à Georges Ledormeur.
– Le refuge Alphonse XIII, érigé en 1927 dans le cirque de Piedrafita, témoigne du soutien royal au développement des infrastructures de montagne en Espagne. Il porte le nom du roi Alphonse XIII, passionné de nature et de chasse, qui encouragea l’aménagement des refuges dans les Pyrénées espagnoles.
Ces refuges, bâtis dans des conditions extrêmes et souvent rénovés au fil des décennies, constituent les piliers du patrimoine montagnard pyrénéen. Leur construction témoigne de la volonté des pionniers du pyrénéisme de faciliter l’accès aux sommets tout en respectant la rudesse de cet environnement majestueux.
Le refuge Ledormeur
Les refuges d’après guerre
Après la Seconde Guerre mondiale, l’augmentation de la fréquentation de la chaîne pyrénéenne entraîne la construction de refuges de plus grande capacité, adaptés à l’essor du tourisme et de l’alpinisme. Contrairement aux abris plus rustiques des pionniers du pyrénéisme, ces nouveaux refuges adoptent un style plus classique, offrant davantage de confort aux randonneurs et montagnards. Plusieurs réalisations marquent cette période avec notamment :
– Le refuge des Sarradets, construit en 1946 au pied de la Brèche de Roland, qui devient un passage incontournable pour les randonneurs et alpinistes se dirigeant vers les sommets du cirque de Gavarnie et le sommet du Mont-Perdu.
– Le refuge des Oulettes de Gaube édifié en 1963, offre une vue imprenable sur la face nord du Vignemale et devient un point stratégique pour les ascensions de ce sommet mythique.
– Le refuge de Pombie initialement construit en 1929, a abrité des générations de grimpeurs en route pour conquérir l’Ossau par toutes ses faces. De nombreuses pages du pyrénéisme se sont écrites dans ces lieux, dont beaucoup de très belles par celui qui fut surnommé « le grimpeur de l’Ossau » : Robert Ollivier. Il est entièrement rénové et agrandi en 1967 pour mieux accueillir les randonneurs et grimpeurs fréquentant le massif du Pic du Midi d’Ossau.
Ces constructions témoignent de l’évolution des refuges pyrénéens, passant d’abris sommaires destinés aux pyrénéistes passionnés à des structures mieux aménagées, intégrées dans un réseau permettant une meilleure accessibilité à la haute montagne.
Le refuge des Oulettes de Gaube
Les années 70
Dans les années 1970, l’architecture des refuges de montagne évolue pour mieux s’adapter aux conditions climatiques extrêmes et aux besoins des randonneurs. Les formes s’aiguisent : les toits deviennent plus pentus afin d’évacuer plus efficacement la neige, et sont recouverts de tôles en bac acier, un matériau résistant et durable. Le bois est privilégié pour les façades, apportant une meilleure intégration paysagère et une touche chaleureuse aux bâtiments. C’est également à cette époque que les premiers panneaux solaires font leur apparition, amorçant une transition vers une autonomie énergétique progressive.
Plusieurs refuges emblématiques sont construits ou rénovés durant cette période :
– Le refuge de Bastan érigé en 1973, situé au cœur du massif du Néouvielle, près des lacs de Bastan, constitue une halte appréciée.
– Le refuge de Barroude est perché face aux impressionnantes murailles calcaires du cirque du même nom. Il a été détruit par un incendie en 2014.
– Le refuge d’Ayous dominant le magnifique lac Gentau avec en toile de fond le majestueux Pic du Midi d’Ossau, offre une des vues les plus spectaculaires des Pyrénées.
– Le refuge du Campana de Cloutou construit en 1980 au bord du lac de Campana, s’intègre harmonieusement dans le paysage.
Ces constructions témoignent de la modernisation progressive des refuges pyrénéens, alliant adaptation aux contraintes de la haute montagne et amélioration du confort pour les randonneurs.
Le refuge du Campana du Cloutou
Les années 90
Les refuges de cette période se distinguent par une conception plus esthétique et une meilleure intégration paysagère. La pierre et le bois, matériaux traditionnels de la montagne, sont largement utilisés et harmonieusement associés à des couvertures en tôles pour assurer résistance et durabilité. L’essor des énergies renouvelables marque également cette période : les panneaux solaires sont désormais couramment installés pour assurer l’autonomie énergétique des refuges, réduisant ainsi leur impact environnemental.
Refuges emblématiques de cette période :
– Le refuge de Bassies situé dans le massif de Bassiès, en Ariège, est construit en 1990. Ce refuge moderne s’intègre parfaitement au paysage granitique et constitue une halte appréciée pour les randonneurs empruntant le GR10.
– Le refuge du Pinet est construit en 1992. Perché à 2 240 mètres d’altitude, ce refuge est une étape clé pour l’ascension de la Pique d’Estats (3 143 m), plus haut sommet de Catalogne et de l’Ariège.
– Le refuge du Rulhe date de 1992. Niché au cœur du massif de l’Aston, en Ariège, il offre un cadre spectaculaire et constitue une étape sur la Haute Route Pyrénéenne.
– Le refuge du Portillon est situé à 2 570 mètres d’altitude et est le deuxième plus haut des Pyrénées après celui de Bayssellance. Il est implanté au bord du lac du Portillon et constitue un point stratégique pour l’ascension des sommets environnants, notamment le Pic Perdiguère (3 222 m).
Ces refuges témoignent de l’évolution continue des infrastructures de montagne, combinant confort, respect de l’environnement et intégration harmonieuse dans le paysage pyrénéen.
Le refuge du Rulhe
La rénovation des premiers refuges
Fin des années 90 – début des années 2000, d’importants travaux de rénovation ont été entrepris pour moderniser plusieurs refuges emblématiques des Pyrénées, notamment ceux de type ogival, qui font partie intégrante du patrimoine montagnard. Ces restaurations visent à améliorer le confort des randonneurs tout en préservant l’identité et l’histoire de ces abris de haute montagne.
Les principaux refuges rénovés à cette époque sont le refuge de Larribet qui est situé à 2 060 m d’altitude, dans la vallée d’Arrens, le refuge de Tuquerouye , le refuge Packe, le refuge Ledormeur, le refuge de Bayssellance et le refuge Wallon.
En Ariège, le refuge des Estagnous, situé à 2 240 mètres au pied du Mont-Valier est rénové et agrandi de 1997 à 2000, par la communauté de communes du Castillonnais qui en est désormais gestionnaire.
Le refuge Packe
Le refuge Packe – Plus de 70 ans séparent ces deux photos
Et au XXIᵉ siècle ?
Plus proche de nous, plusieurs refuges ont été rénovés ou totalement reconstruits pour répondre aux nouvelles attentes des montagnards et intégrer des solutions écologiques innovantes.
– Le refuge de Vénasque construit en 1961 est métamorphosé en 2003, il offre désormais un hébergement plus confortable avec une meilleure gestion des ressources énergétiques.
– Le refuge du Maupas, niché à 2 430 mètres d’altitude, a, lui aussi, été agrandi et rénové en 2013.
– Le refuge de l’Oule est entièrement rénové et modernisé en 2016 pour devenir une référence en matière d’autonomie énergétique et de respect de l’environnement.
– Le refuge de la Renclusa est situé sur le versant espagnol, au pied de l’Aneto, le plus haut sommet des Pyrénées. Il a été rénové et agrandi en 2017.
Le refuge de Campana de Cloutou, situé à 2 225 mètres d’altitude dans le massif du Néouvielle, a fait l’objet d’une rénovation complète dans le cadre du plan de rénovation décennal 2017-2026. Après près de deux ans de travaux, il a rouvert au public le 5 août 2022. Le projet de rénovation avait pour principaux objectifs :
- Améliorer les conditions d’accueil : la capacité d’hébergement est passée de 19 à 36 places, avec des dortoirs confortables de 4, 6 et 12 lits. Le refuge dispose désormais de deux douches et d’une salle à manger panoramique offrant une vue imprenable sur le lac de Campana.
- Réduire l’impact environnemental : l’approvisionnement énergétique est assuré par une pico-centrale, des panneaux solaires et une chaudière à pellets, minimisant ainsi l’empreinte écologique du refuge.
- Renforcer l’attractivité du site : le refuge s’intègre dans un réseau avec les autres refuges du territoire, notamment ceux de l’Oule, de la Glère, d’Orédon et d’Aygues-Cluses, améliorant ainsi les itinéraires de randonnée dans le massif du Néouvielle.
Le dernier-né des refuges du versant français, le refuge d’Aygues-Cluses, situé à 2 135 mètres d’altitude sur les hauteurs de Barèges, a été inauguré en 2023. Ce projet, initié en 2008, a été porté par la Communauté de Communes Pyrénées Vallées des Gaves (CCPVG) et a mobilisé 35 entreprises pour un coût total de 3,36 millions d’euros, financé à 67 % par des subventions publiques.
S’intégrant harmonieusement dans le paysage du massif du Néouvielle, le refuge dispose de 35 places et est accessible en 2 h 30 de marche depuis le parking de Tournaboup, en suivant le GR10. Son ouverture comble un manque entre les refuges de la Glère et de Campana, facilitant ainsi l’itinérance sur le tour du Néouvielle. Ouvert presque toute l’année, le refuge répond également aux besoins des amateurs de ski de randonnée et de raquettes en hiver.
En France, la majorité des refuges de haute montagne sont gérés par le Club Alpin Français (CAF), qui assure leur entretien, leur rénovation et leur fonctionnement. D’autres refuges appartiennent au Parc National des Pyrénées (PNP), qui les administre dans des zones protégées en veillant à minimiser leur impact environnemental. Des associations sportives et des clubs de montagne contribuent également à l’entretien et à l’exploitation de certains refuges, tandis que d’autres sont gérés par des communes ou des syndicats de communes.
Le nouveau refuge de Barroude
Le refuge de Barroude, situé dans le Parc national des Pyrénées, a été détruit par un incendie en 2014. Un projet de reconstruction est en cours, mené par le Parc national des Pyrénées. Après une phase de concertation et d’études, l’agence d’architecture norvégienne Snøhetta a remporté en 2024 le concours pour la maîtrise d’œuvre du nouveau refuge.
Le concept retenu, intitulé « La tanière des Hautes-Pyrénées, entre terrier et cairn », vise à offrir un abri sûr aux randonneurs tout en préservant l’intégrité du paysage naturel. Le bâtiment sera intégré à la topographie du site, avec une enveloppe en pierre, bois et aluminium, s’harmonisant avec l’environnement du cirque de Barroude.
Le calendrier prévisionnel des travaux s’étend sur plusieurs phases :
- Juin à septembre 2025 : première phase de travaux sur site.
- Octobre 2025 à mai 2026 : préfabrication en atelier.
- Juin à septembre 2026 : deuxième phase de travaux sur site.
- Septembre 2027 : livraison du refuge.
Ce projet ambitieux suscite déjà un grand intérêt et ne manquera pas de faire débat. Comme toute construction en haute montagne, il devra trouver un équilibre entre modernité et respect du site naturel, un défi qui suscite toujours des avis contrastés. Entre attentes des randonneurs, exigences environnementales et attachement au paysage originel, les critiques ne manqueront pas. Quoi qu’il en soit, ce refuge marquera une nouvelle étape dans l’histoire des refuges pyrénéens et son impact sera longuement discuté, tant par les passionnés de montagne que par les défenseurs du patrimoine naturel…
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Pyrénées, Courses en boucle entre les refuges
Sont présentées dans ce guide, Pyrénées, courses en boucle entre les refuges, 60 courses en boude dans les sommets pyrénéens, où l’on relie entre eux les refuges utilisés comme camps de base. Ainsi, à la contemplation des montagnes vient s’ajouter la possibilité de parvenir à leurs sommets. Toutes les courses se déroulent dans le segment de la chaîne qui va du Pic du Midi d’Ossau au Pic du Canigou. Cet ouvrage est également une version élargie du précédent travail de l’auteur, Refugios del Pirineo (2007), où l’on enchaînait déjà les refuges les uns après les autres. Ici, on fera de même, mais en faisant le tour des sommets. Il y a, au total, 60 courses en boucle de 2 ou 3 étapes, réparties dans la partie centrale de la chaîne pyrénéenne.
Bibliographie
Patrick Espel
Pyrénées Ouest
Randonnées autour des refuges
Découvrir les refuges pyrénéens et les plus belles randonnées alentour pour s’immerger dans la magie des Pyrénées. Ces deux topoguides – l’un consacré à l’ouest de la chaîne et l’autre à l’est – sont une invitation à découvrir les refuges d’altitude et leur environnement naturel à travers des itinéraires extrêmement variés et accessibles à la plupart des randonneurs. De quoi profiter pleinement des lieux le temps d’un week-end ou d’un court séjour.
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